Jouvenceflore – Dossier de presse

Quand les acteurs font une entrevue

avec l’auteur Bernard Anton autour de Jouvenceflore,

livre (théâtre) publié chez Kindle Books, 2025

Première partie de l’entrevue, questions de Gilles Brière (Rôle : Tom1)

Quelle a été votre source d’inspiration pour cette pièce ?

L’idée d’écrire Jouvenceflore germait tranquillement en moi depuis quelques années. En fait, je suis à la retraite depuis 3 ans. Même avant, je me questionnais beaucoup sur le thème du vieillissement. Je voyais tant d’amis et des membres de la famille vieillir, puis mourir. J’étais de plus en plus conscient que j’entrais définitivement dans une autre catégorie d’âge : « les retraités ». J’appréhendais le passage terrible des années. Je me demandais si j’allais être heureux à la retraite. Puis, l’étincelle qui a déclenché l’écriture de cette pièce, c’était la rencontre fortuite, l’automne dernier, d’un jeune homme qui me ressemblait beaucoup physiquement. Il était professeur comme moi, avait exactement le même mode de vie que moi, est né le même jour au mois de mai. Il avait un golden retriever comme moi, avait les mêmes soucis de santé, prenait les mêmes médicaments… Tellement de détails similaires et déconcertantes qui m’ont fait vraiment sursauter. Est-ce possible ? Quelles coïncidences !

Je me suis imaginé 30 ans plus jeune, à sa place, et heureux. Je voulais revivre mes plus belles années de jeunesse, recommencer à zéro, repousser les frontières, défier le temps… En notant tout cela dans mon journal intime, j’ai eu l’idée de présenter sur scène une telle rencontre et un tel désir de rajeunissement. J’entendais déjà les paroles, les échanges, les dialogues entre ces deux personnages qui se dessinaient de plus en plus nettement dans ma tête. Rebelle dans l’âme comme je suis, et refusant de vieillir, je me suis imaginé un truc, un cadeau de mère Nature qui nous empêcherait de vieillir. J’essayais de trouver des solutions.

Quelques jours plus tard, la pièce était écrite. Le difficile ennemi à battre et à combattre était le vieillissement. Notre alliée, mère Nature. L’objectif, rajeunir. Tout le conflit était là, clair comme l’eau de roche.

Pourquoi avez-vous choisi de faire parler les éléments de la nature ?

Pour moi, la Nature est vivante. Elle n’est pas un objet inanimé. Pas du tout. Elle est omniprésente, agissante. Elle s’exprime clairement si nous savons tendre l’oreille.

Je suis très vert, vert foncé. J’ai un immense respect pour l’environnement. Pour moi, les arbres, les fleurs, la source, l’abeille, les animaux sont des entités vivantes, comme nous, dotées d’une conscience et d’une sensibilité. Puisque, en général, la Nature ne parle pas, je voulais lui donner une voix. Je tenais absolument à montrer au public que les éléments de la Nature peuvent intervenir et nous soutenir réellement dans notre vie au quotidien.

Écoutez cette anecdote très intéressante. J’avais un chien il y a quelques années et je devais entreprendre des travaux autour de la maison, refaire le drain français. La veille du début des travaux, mon chien qui n’a jamais gratté le sol s’est mis à gratter très profondément, obstinément, juste en dessous de ma fenêtre. Il tenait à me montrer un gros câble électrique qui allait de la maison jusqu’au cabanon. Je ne le savais pas. Il était enfoui 3 pieds sous terre. Une chance qu’il avait creusé, sinon, l’excavatrice aurait arraché ce câble. Imaginez alors les flammèches ! Mon chien était mon ange gardien qui m’a protégé des troubles ! J’ai également vécu plusieurs autres événements surnaturels qui m’ont fait réfléchir sur la proximité et la bienveillance de la Nature.

Depuis, je crois fermement que la Nature intervient et agit en notre faveur. Nous sommes les ingrats qui la bafouent et l’exploitent égoïstement !

Avant de voir ou lire Jouvenceflore, comment un spectateur ou lecteur pourrait-il se préparer ?

Je demanderai au spectateur ou au lecteur de faire table rase de tout. Qu’il se présente comme une feuille blanche. Qu’il ferme son mental et soit tout ouvert à accueillir, avec ses cinq sens et sa sensibilité, le possible et l’impossible, le mystère et les aspects absurdes que je lui présente. C’est peut-être rêver en couleur… Mais c’est la meilleure façon de profiter de la substance poétique et symbolique de ma pièce. Il pourra, par la suite, en sortir avec plusieurs questionnements et nourri du nectar de Jouvenceflore.

Qu’est-ce que vous aimeriez que l’on retienne de Jouvenceflore ?

Plusieurs messages subtils : d’abord, l’amour de la vie, peu importe les difficultés et les impasses. J’entends par vie, celle qui nous habite et celle qui nous entoure. Ensuite, l’esprit combatif, ingénu que nous devons avoir pour nous sortir des ennuis et conserver notre plaisir, notre joie de vivre. Il y a aussi une vertu fondamentale que j’aimerais véhiculer : la bienveillance qui est un mélange d’amour et de bonté. Donc, s’aimer, nous aimer, veiller les uns sur les autres comme la Nature le fait envers nous, et comme nous devons le faire envers la Nature, sinon, ce sera le cauchemar !

On ne peut pas passer à côté d’un thème central développé dans ma pièce qui est la richesse, richesse intérieure ou extérieure, richesse spirituelle ou matérielle, richesse négociée qui défie les conventions. L’ambition, la cupidité, l’insatisfaction ont-elles des limites ?

Qu’est-ce que l’écriture de Jouvenceflore vous a apporté du point de vue personnel ?

L’écriture de cette pièce était un acte libérateur, bénéfique, thérapeutique pour moi. C’est à la fois léger et lourd de sens. On joue sa vie à chaque instant. J’ai exorcisé ma crainte du vieillissement et sublimé mon désir de rajeunissement. Oui, j’ai pu faire, grâce à mon imaginaire, marche arrière ! Maintenant, j’en suis bien satisfait. J’ai créé avec tout cela une œuvre littéraire, théâtrale, artistique, pleine de poésie et d’humour. Au public d’en juger pour la suite !

22 février 2025

paru dans Les livres et les copains d’abord

Deuxième partie : Questions de Théo Chauvirey (Rôle : Tom2)

Tom1 est un homme riche, ayant eu une vie épanouie, mais qui cherche la jeunesse à n’importe quel prix. Tom 2 est un homme devenu avide pour pouvoir rembourser ses dettes contractées en essayant de s’offrir le meilleur pour lui et sa famille. Est-ce une analogie du monde d’aujourd’hui où les générations antérieures sont assises sur leurs acquis et leurs richesses aux dépens des générations suivantes ?

Oui, ces deux personnages, Tom1 et Tom2, sont représentatifs de deux pans de la société : ceux qui ont travaillé fort récoltant maintenant le fruit de tant d’années de labeur (les retraité.e.s), et ceux qui doivent à leur tour bosser pour jouir d’une bonne retraite plus tard (les jeunes).

Les personnes d’âge mûr méritent absolument leur pension et ne sont pas tributaires des générations suivantes. Leurs rentes ne sont pas des cadeaux. Ah ! non ! C’est leur dû, leur propre argent qui leur revient. Ils ont œuvré et cotisé toute leur vie pour y arriver, au prix de grands sacrifices chaque jour. Ils reçoivent, à un âge avancé, et c’est un juste retour du balancier, ce que l’employeur a retiré de leur salaire, chaque semaine, pour financer leur fonds de pension. Souvent, les jeunes ne pensent pas à ça, ne le voient pas comme ça, ne comptabilisent pas les immenses sacrifices de 35 ans (sinon plus) de travail ardu. Les jeunes n’étaient pas là quand, au fil des années, quelques centaines de milliers de dollars ont été, au fur et à mesure, mis de côté pour la vieillesse. Ils prétendent à tort que c’est eux qui payent la pension des vieux. C’est malheureusement erroné.

Ceux d’âge mûr ne vivent pas aux dépens des jeunes. Soyons bien honnêtes et avouons-le ! C’est plutôt le contraire ! Les vieux ont le mérite d’avoir rendu la vie plus facile, plus libre, plus démocratique aux générations suivantes. Ils ont pavé le chemin des jeunes en se battant mordicus afin de leur assurer un meilleur avenir, de meilleures conditions de vie et des droits qu’on tient, plus tard, faussement pour acquis.

D’un autre côté, j’ai vu des parents céder, de leur vivant, leur maison et leurs richesses à leurs enfants. Ceux-ci les prennent parfois sans même les remercier. Relisons, à titre d’exemple, le superbe roman emblématique de Balzac, Le père Goriot. Ce bon papa a offert ses biens à ses deux filles et ces dernières ne se sont plus occupées de lui. Il s’est dépouillé pour elles. Elles se sont égoïstement enrichies à ses dépens, puis l’ont laissé tomber.

Personnellement, j’en appelle à un dialogue fructueux entre les générations, sans aucune opposition ni friction. Que les échanges soient harmonieux et positifs ! Qu’on chemine tous ensemble dans la compassion et la bienveillance, sans aucune concurrence ! Nous sommes tous interreliés, interconnectés. Nous avons tous besoin l’un de l’autre. Les générations se côtoient et s’entraident. La jeunesse de Tom2 réjouit Tom1. Les accomplissements de Tom1 réjouissent Tom2. Le fait d’accepter d’interchanger les rôles est hautement significatif et souhaitable selon le contexte fantastique, symbolique et parabolique de la pièce. Dans Jouvenceflore chaque protagoniste va jusqu’au bout de ses rêves, coûte que coûte, à ses risques et périls. Et c’est très bien.

On glisse dans des sujets délicats ! C’est rendu un débat sociétal, existentiel, intergénérationnel ! Je ne m’attendais pas à une telle question difficile !

Les jeunes générations (incarnées ici par Tom 2), sont-elles victimes ou coupables de vouloir l’opulence de leurs prédécesseurs ?

Les jeunes générations ne sont ni victimes ni coupables. Elles ne doivent pas en vouloir à l’opulence de leurs prédécesseurs qui ont œuvré fort pour l’avoir. La jalousie et l’envie sont des attitudes morbides ! Les jeunes devraient être indépendants, autonomes. Qu’ils se prennent en main, se retroussent les manches et bâtissent, à leur tour, leur avenir comme l’ont fait les générations précédentes et comme le fait chaque génération ! Le piège de l’endettement est omniprésent pour toutes et pour tous. Quelqu’un qui n’aime pas les dettes ne doit pas en contracter ! Pourquoi courir après les troubles ? Est-ce sage d’acheter un condo quand on n’en a pas les moyens ?

Des jeunes que je vois autour de moi changent de voiture, de meubles, d’appareils électroménagers chaque 5 ans. Ils veulent le dernier modèle qui inclut les derniers gadgets. Ils vont en voyage chaque année, aux grands restaurants chaque fin de semaine. Ils croulent ainsi sous les dettes, vivent à crédit. Faut savoir gérer son budget !

Moi, je n’avais que 30 $ à 18 ans. C’est avec ça que j’ai commencé ma vie d’adulte ! J’ai besogné jour et nuit, même les fins de semaine, pour payer mes longues études universitaires et mon loyer. Personne ne m’a aidé. Mes parents ne m’ont rien donné. J’ai tout construit par moi-même. L’histoire de l’opulence est propre à chacun. Tom1 dit justement : « Les œufs en or ne tombent pas des arbres ! »

Quelles leçons Tom 1 et Tom 2 auraient dû apprendre au lieu de courir à leur perte ?

On ne fait pas une omelette sans casser des œufs ! (Rires) Cela dit, tous les deux devaient apprendre que l’ambition, si louable soit-elle, peut mener aux dérapages. Nos rêves les plus fous peuvent nous jouer de vilains tours. Je crois, toutefois, en l’expérience nécessaire et absolue. Ce fut néanmoins une belle expérience pour eux. Expérience réussie ou non, courte ou longue, avec ou sans erreurs, c’est moins grave.

L’important est d’expérimenter avec ses tripes, vivre à fond ses désirs et les choses de la vie ! Faut réaliser ses aspirations les plus ardentes. Sinon, on n’aura pas vécu ! Ne serait-ce pas lamentable de mourir sans avoir réalisé ses projets ? Vaut mieux avoir une vie pleine qu’à moitié vide !

L’ambition de Tom1 est de rajeunir. Et c’est bien légitime. L’amour de la vie, de la joie, du plaisir le pousse à sacrifier la moitié de ses acquis. Il est bien libre de le faire. C’est sa priorité. D’un autre côté, la situation pécuniaire minable de Tom2 le pousse à vouloir amasser le plus possible d’argent afin de couvrir ses dépenses et vivre plus à l’aise, lui et sa famille. Et c’est bien légitime aussi.

La leçon à apprendre, c’est qu’une passion débridée peut tuer ! La modération a bon meilleur goût, et ce, dans les dépenses et les achats ! Cependant, nous sommes ici au théâtre où l’on peut se permettre tout ! Les sentiments les plus effrénés sont les bienvenus !

Un mot pour terminer ma réponse. J’admire le jeune Tom2. Il est brave, responsable, sérieux. Il n’a pas perdu son temps. Il est déjà professeur et écrivain à 30 ans ! Il a un double emploi pour maximiser ses revenus. C’est bien louable ! Son petit défaut, c’est qu’il est impatient. Il devait attendre 35 ans, continuer à travailler, à payer son condo, un mois à la fois. Les écueils financiers s’arrangent avec le temps, surtout si l’on est adepte de la simplicité volontaire ! Il aurait dû apprendre à ne pas sauter les étapes.

Qui est le plus perdant dans l’histoire ?

En réalité, les deux Tom sont également gagnants et également perdants. Gagnants parce qu’ils ont vécu intensément. Ils sont allés courageusement et fièrement jusqu’au bout de leurs rêves. Perdants parce qu’ils y laissent leur peau. Quoi de plus tragique que de perdre sa vie ?

Le happy ending est plutôt en faveur de la nature qui triomphe enfin des parasites. Ces derniers ne pensent qu’à leur confort et à leurs besoins, sans évaluer la capacité limite de dame Nature. Ils deviennent, et c’est infiniment triste à dire : persona non grata.

L’un voulait gagner la jeunesse, l’autre la richesse. Cela s’est concrétisé pour un court laps de temps. Donc, ils l’ont emporté ! Mais le paroxysme ou le climax n’a duré qu’un bref moment.

Une amie, madame Annick Pagès qui a bien apprécié Jouvenceflore, a vu qu’il y a « un lien entre le vieux qui souffre de jeunisme, qui dépense une fortune en produits rajeunissants et les jeunes qui, eux, dépensent une fortune pour le ici et maintenant, tout de suite. C’est le rapport au temps qui est différent… Les vieux retiennent le temps avec leurs dents. Chez les jeunes, il y a une accélération du temps, ils sont prêts pour Mars… Un autre aspect en ressort : le rapport au vide. Le vieux mise sur son apparence pour combler le vide intérieur. Il a peur de se confronter à son intériorité pourtant source d’inspiration. Quant au jeune, il comble son vide intérieur par la surconsommation. Ce sont les mêmes parcours. Le regard intérieur est source d’angoisse existentielle. »

Je dirais, en résumé, que pour ne pas être perdants, mieux vaut être patients, humbles, résilients, surtout rentrer en contact avec son intériorité qui nous comble de paix et de satisfaction ! Alors, moins de risques d’erreurs !

25 février 2025

paru dans Les livres et les copains d’abord

Troisième partie : Questions de Carole Gaudreau et Amélie Pitre

(Rôle : 2 Jouvenceflore)

Dans Jouvenceflore, on parle de jeunesse et de nature… Comment conciliez-vous ces deux thèmes ?

Excellente question ! Ce sont en effet les deux thèmes majeurs de ma pièce. Tout tourne autour de la jeunesse, de la beauté de la jeunesse. Tout tourne également autour de mère Nature qui, elle, serait le personnage principal. Elle a un droit de vie et de mort sur les protagonistes !

Pour retourner à la question posée, un apothicaire serait très heureux d’y répondre ! Dame Nature possède une panoplie de moyens pour remédier à nos malaises et préserver notre jeunesse. Par exemple, la vitamine C contenue dans les agrumes nous aide à surmonter un rhume ou une grippe. La vitamine E contenue dans les noix et les feuilles vertes (épinards…) nous aide à soigner nos blessures et à conserver notre peau. Le collagène contenu dans le poisson et les œufs nous aide à soigner nos problèmes d’articulations. Et j’en passe.

J’ai toujours cru aux bienfaits des remèdes naturels pour conserver notre jeunesse. Bien sûr que nous devons faire attention, comme ne pas fumer, ne pas trop boire, faire des exercices, éviter le stress, bien dormir pour récupérer. La Nature est un exemple de renouvellement et de rajeunissement. Après l’hiver, le printemps revient. Après la fonte des neiges, les bourgeons et les fleurs repoussent, les arbres verdissent à nouveau.

Vivons-nous proches de la Nature pour bénéficier de ses multiples bienfaits ? Jouvenceflore est là, toute prête pour nous ! Allons-nous à sa rencontre avec amour et reconnaissance ?

Est-ce que la jeunesse est vraiment préoccupée par la nature et comment ?

Je pense que la jeunesse d’aujourd’hui est plus sensible que les générations précédentes à la protection de la nature. Regardez tous ces beaux mouvements verts. Je les fréquente depuis des dizaines d’années. Ils sont composés à 80 % de jeunes.

Lors des manifestations en faveur de l’environnement, les jeunes sont aux premiers rangs. Ils sont pleins d’énergie et d’enthousiasme. Ils ne désespèrent pas comme nous, les vieux. Ils ont grandi avec une conscience plus alerte. Ils nous blâment de leur avoir laissé une planète poubelle. L’exemple de la militante écologiste suédoise Greta Thunberg est éloquent.

J’ai confiance en la relève qui continuera à bâtir le monde et à l’améliorer, à sa façon.

Bien que discret, le temps est un personnage majeur dans la pièce. Comment exprimeriez-vous au public votre vision de la recherche de l’équilibre entre la fatalité du temps sur nos vies et son rôle d’allié et de partenaire indissociable ? Comment l’avez-vous défini dans la pièce ?

En effet, le temps (avec la Nature) est un personnage majeur dans ma pièce. Voici ses quatre vérités : il fait des ravages, gobe tout, flétrit tout, nous fait vieillir, puis tomber dans la décrépitude et la mort, et ce, sans pitié, sans merci, sans exception, parfaitement implacable. Personne n’échappe à ses griffes fatales. Pourtant, mes deux héros le défient en quelque sorte.

Si nous portons un regard scientifique sur le sujet, nous réalisons que le temps n’existe pas vraiment. C’est une invention humaine. Les planètes sont tout simplement suspendues dans l’atmosphère où personne ne calcule le temps. Elles tournent certes autour d’elles-mêmes et du soleil créant, pour nous, une alternance de jour et de nuit. Cela a poussé nos ancêtres à y voir une certaine architecture ou structure linéaire. Ils se sont représenté la marche du temps d’une façon horizontale sur le calendrier où nous voyons les jours, les mois, les années se succéder. Ils se le sont représenté, également, sous forme circulaire en nous proposant un cadran où les aiguilles tournent en rond, marquant les secondes et les minutes… Tout pour mesurer le temps, et ce n’est pas faux.

Le temps est devenu ainsi notre allié. Il organise, dans la société civilisée, notre journée, même notre existence et notre histoire universelle. Grâce à lui, nous avons des jalons, des repères, des dates. Grâce à lui, nous gérons nos heures de travail, nos rendez-vous… Sinon, nous ne nous retrouvons plus dans… le temps !

Tom1 veut déroger à la règle. Il veut reculer l’horloge du temps et mettre le compteur de sa jeunesse à zéro. Le temps intervient alors et affirme explicitement, non sans humour, sa suprématie ! Il remet les pendules à l’heure : « Je vous rattraperai par la tête, par la queue, par les jambes, par les cheveux… » Nulle échappatoire.

Dans ma pièce allégorique, Tom 1 et Tom2 réussissent enfin à tordre le cou du temps. Dame Nature, par Jouvenceflore, accorde un temps de grâce une fois chaque 10 ans, durant 7 jours, autorisant de rajeunir de 35 ans. C’est ce qui devait se produire, par enchantement ! Cependant, la méchanceté et le langage irrévérencieux ont fait bousiller la donne ! La magie n’opère plus quand il y a des insultes. Jouvenceflore qui a un certain pouvoir sur le temps refuse, en fin de compte, d’intervenir. Le charme s’évapore.

Le temps n’est vaincu momentanément que par des formules tirées de l’illustre « Livre des contes de Béribas » et par un rituel cher aux Autochtones !

Jouvenceflore, les arbres, l’abeille, la source, le crocrodile, le temps, le poulet et l’oiseau sont tous des personnages de la pièce. Si vous pouviez n’en choisir qu’un seul afin d’exprimer le message que la nature aurait pour nous, lequel serait-il et pourquoi ?

Je choisirai sans hésitation Jouvenceflore. J’ai un faible pour elle. D’abord, j’ai inventé ce mot qui n’existait pas. C’est la fleur de jouvence, pleine d’amour, de compassion et de bienveillance. Elle veille sur nous, se donne à nous. Je voulais en faire un archétype de l’Amour. Elle personnifie mère Nature qui nous accueille, nous nourrit et répond à nos besoins. Elle est mystérieuse, laconique, discrète, ne parle pas trop. Faut bien se concentrer pour l’écouter. Mais quand elle parle, dégustez sa parole pétillante, savoureuse !

Le personnage de Jouvenceflore représente la dimension maternelle et enveloppante de la Nature qui nous assure (avec les céréales, les fruits et les légumes…) notre subsistance. Cependant, comme le dit si bien le proverbe, « être bon ne s’écrit pas avec un c », notre désinvolture l’incite, et c’est très compréhensible, à se désolidariser de l’humanité.

Je suis, depuis quelques années, dans cette phase de dégoût de l’humanité qui se choisit des dictateurs très va-t-en-guerre, qui refuse de soutenir le droit et la justice, qui pollue et n’agit pas en citoyens écoresponsables. Il y a donc, un problème d’éthique, un je-m’en-foutisme flagrant sociétal et environnemental généralisé.

Le message de Jouvenceflore est clair. Le mépris du bien a un prix. Tous payeront.

Quels étaient vos sentiments au moment d’écrire la pièce ? Y en a-t-il qui vous ont surpris par leur apparition ?

Au départ, j’ai écrit cette pièce pour m’amuser. J’étais dans un état euphorique. Je voyais ça comme un conte fantaisiste. Je laissais aller mon imaginaire. Je me sentais léger ! Mon instinct me rappelait quand même les balises dramaturgiques de base à respecter.

Cependant, au fur et à mesure que j’avançais dans l’écriture, ça devenait progressivement sérieux. J’ai vu la tension monter. La farce ne pouvait plus continuer. Ça devait aboutir d’une manière ou d’une autre. Il fallait passer à l’action, réaliser le projet tant souhaité ou le faire avorter. Les deux Tom ont pris alors le dessus. Nous étions tous les trois (eux et moi) devant une impasse, ou plutôt devant une fourche. Quel sentier prendre ? Celui de droite ou celui de gauche ? Les deux Tom fulminaient. Je n’arrivais plus à les contrôler. L’un piquait une crise. L’autre essayait de le calmer…

J’ai senti dans ma poitrine des sentiments de colère détoner. Tonnerres et foudre éclataient. J’étais, avec toutes mes cellules, ce Tom2 tellement indigné de se sentir traité comme un objet. J’écrivais ses répliques en tremblant. J’ai vécu, dans mes tripes, son dégoût d’être chosifié.

Le pic de ces sentiments affreux qui m’ont envahi, c’est quand Tom2 explose de rage et crie : «Tant qu’à y être, égorgez-moi vivant, mangez-moi tout cru !» Je ne m’attendais pas à une telle phrase choc. Elle est arrivée comme un éclair et m’a assommé. Que peut-on dire après une telle assertion ?

J’envisageais d’ajouter un quatrième tableau dans lequel on verrait les deux Tom réagir à leur nouveau milieu respectif. À quoi ressemblerait leur nouvelle vie ? Comment se démèneraient-ils dans leur nouveau défi ? La réalité de leur nouvelle famille sera-t-elle aussi agréable que prévue ? Mais je ne voulais pas rallonger la pièce. J’ai donc anticipé ces scènes du futur et les ai incluses dans la deuxième moitié du deuxième tableau. C’est devenu essentiellement les arguments que Tom2 avance pour justifier ses hésitations. J’ai voulu être très réaliste, pratico-pratique. Des crises de ménage avec un plat qu’on lance contre le mur et des incompatibilités de caractère très vraisemblables ont surgi… C’était très douloureux à écrire.

De nouveaux sentiments de tristesse et d’amertume sont, en outre, apparus en écrivant les dernières interventions de Jouvenceflore. Elle décide de laisser les deux protagonistes à eux-mêmes, de nous laisser à nous-mêmes, les larmes aux yeux, malgré l’amour qu’elle nous témoigne… et ce, à cause de notre égoïsme, de notre ingratitude.

28 février 2025

paru dans Les livres et les copains d’abord

Quatrième partie : Questions de Charly Pratique (Rôle : Tom2)

À quel(s) public(s) s’adresse le texte Jouvenceflore ?

Au départ, j’ai écrit Jouvenceflore pour moi-même, pour m’amuser, pour jouer avec les mots et les idées. Surtout aussi, pour exorciser les différents sentiments qui m’habitent depuis ma préparation à la prise de la retraite. Tu sais, la retraite est une étape très importante dans la vie d’une personne. C’est une coupure radicale, un changement drastique, un bouleversement de son rythme et de son mode de vie. On se demande si on est encore utiles… C’est comme se marier ou « mourir » ! Ça ébranle une personne. On réalise d’un coup qu’on change de tranche d’âge, de catégorie, qu’on s’approche de la fin… Ça peut déclencher une crise, une série de questionnements bouleversants sur soi et sur sa destinée.

Des philosophes disent que la mort, c’est le rideau qui tombe. Non, c’est totalement faux. C’est l’opposé carrément ! C’est le rideau qui se lève sur le plus beau paysage, sur une meilleure vie. Pour moi, la retraite n’est pas morbide, mais joyeuse. Je n’ai jamais été aussi content, en santé et épanoui. J’ai tout mon temps pour moi (et pour mon œuvre) depuis déjà 3 ans…

Maintenant que la pièce est terminée, Jouvenceflore s’adresse à tout le monde. Aux personnes du 3e âge parce que ça les concerne directement, ça brosse en détail leurs vécus, leurs ressentis. Aux jeunes aussi, car leurs préoccupations et aspirations sont également décrites. Enfin, les enfants peuvent s’amuser devant un tel spectacle et commencer à mieux comprendre les différentes phases de la vie.

As-tu songé à d’autres formes avant de choisir le théâtre ?

Oui, la première ébauche de ce texte semblait prendre la forme d’une nouvelle ou d’un conte, mais les idées se bousculaient tellement dans ma tête d’une façon orale. J’entendais tellement de dialogues graves, pas du tout légers et d’une grande profondeur… Alors, ça a pris une forme théâtrale. Je trouvais que l’exposition théâtrale d’un tel sujet était pertinente. C’était 45 pages au départ, c’est rendu 90 pages ! J’ai développé les personnages et enrichi la pièce d’une réflexion sur l’emprise du temps qui est écrasante pour tout être humain !

J’aime beaucoup la poésie. La poésie sauve le monde. Un spectacle sans poésie serait, pour moi, sec comme une branche sèche, comme une plante sans fleurs ! Faut travailler la langue, l’embellir avec des images et des sonorités, tout en restant naturel. C’est devenu donc une pièce de théâtre poétique, ludique et un peu philosophique.

À quel(s) problème(s) dramaturgique(s) as-tu été confronté ? Et comment les as-tu résolus ?

C’est une grande question, l’épine de Lenoir dans le pied de tout dramaturge ! Les défis dramaturgiques (qui veut dire reliés à l’action) sont énormes et à respecter. Un auteur sérieux doit les prendre en considération. Le principe de départ, c’est la visualisation, donner son texte à voir, et à entendre bien sûr. C’est un peu comme écrire pour le cinéma. Il faut que ce soit visuel, vivant, dynamique. Jouvenceflore est un texte conçu pour être représenté.

Les critères de base de la dramaturgie, c’est d’avoir de bons personnages bien caractérisés, un héros convaincant dont l’objectif est clair, des obstacles qu’il doit franchir, un complice qui va l’appuyer, un antagoniste qu’il doit combattre. Des émotions et des sensations physiques doivent être exprimées. De plus, il faut maintenir le suspense, créer des surprises, des ambiances, des rebondissements… J’ai respecté tout cela, sans difficulté, je pense ! C’était une belle aventure ! Le problème auquel j’étais confronté, c’était de maintenir constante l’action, malgré la parole plutôt intériorisée des personnages qui verbalisent leur conception du vieillissement (à la sauce de Beckett ou d’Ionesco).

Ça me prenait des gestes qui accompagnent les mots. Je cherchais des actions pour rendre plus incarnée cette métaphore ou allégorie de la vie. C’est ainsi que j’ai ajouté dans les didascalies des détails dramaturgiques spécifiques, directement intégrés aux répliques. Voici quelques exemples :

- Jouvenceflore envoie aux protagonistes un souffle avec la main, un souffle large et long comme le bras. Cela symbolise la générosité de son amour et de son souhait de faire du bien.

- Les protagonistes vont utiliser des ciseaux imaginaires pour découper les ailes du Temps (l’adversaire). Cela illustre leur volonté réelle d’en finir avec l’opposant.

- Tom2 va tenir une branche morte en disant « Mourir jeune ou mourir vieux, quelle différence ? » Il fixe la branche, qui n’est plus vivante, tout en réfléchissant sur le mystère de la vie et de la mort. Cette tige devient chargée de sens. Elle devient l’emblème de toute existence qui se trouve confrontée à sa fin.

- D’autres gestes posés, cette fois lors de la transaction, lui donnent du poids et de la crédibilité. Rappelons-nous, Tom1 signe sur papier une promesse de compensation, il montre la photo des biens en question (sa belle maison, sa voiture de l’année) sur son cellulaire, il étale son compte en banque et ses avoirs, il effectue en temps réel un virement de 100 000 dollars. Tom2 vérifie en temps réel l’état du virement et en confirme la réception sur son cellulaire.

- Je signale d’autres gestes bien appréciés, c’est quand, par exemple, le gardien forestier fouille Tom1, quand les deux personnages se donnent des tapes dans le dos, se serrent la main s’enlacent, se félicitent et même dansent de joie. Aussi, quand Tom1 manifeste par des Ouchs ses douleurs physiques récurrentes. C’est super ! Le corps doit s’exprimer par des gestes significatifs et tangibles ! Un geste vaut mille mots ! C’est aussi le travail du metteur en scène et de l’acteur d’en rajouter afin de bien « incarner » et mieux donner sens à ce qui se dit. Le geste est la prolongation de la parole.

Définitivement, je suis allé à la chasse de ces petits gestes visuels qui donnent du visuel à ce qui ne semble pas trop visuel. Un dernier exemple pour répondre à cette question, c’est le pouvoir d’un objet sur scène, comme celui d’un collier autour du cou. Porter ce gros collier en or autour du coup en dit plus long que 2 minutes de discours sur la richesse du personnage en question, car on voit tout de suite et bien clairement cette richesse. Et quand le collier passe à l’autre, ça veut tout simplement dire que l’autre est devenu riche. Quelle économie de mots ! Du moment qu’un objet monte sur les planches, il acquiert une signification symbolique centuplée. Ça fait partie de la dramaturgie.

Quelles sont tes influences littéraires, artistiques et philosophiques ?

Des auteurs, penseurs et artistes comme Guy de Maupassant, Albert Camus, Picasso, Miro, Pissarro, Monet, Cézanne, Brahms, Malher, Lizt, Callas, Bardot, m’inspirent et nourrissent mon esprit. J’admire leur regard « existentiel » sur notre quotidien. Je suis très terre-à-terre, malgré mon goût pour le surréel, le fictionnel et le poétique. Jouvenceflore est une pièce extrêmement sérieuse et traite de thèmes philosophiques fondamentaux comme le sens de la vie, de la mort, du Temps qui passe, de l’être humain qui dépérit…

L’emballage de ma pièce est un peu ludique, mais le fond, de portée universelle, nous invite à réfléchir. Il me semble que je suis allé plus loin que le style de Beckett et d’Ionesco en ajoutant de la poésie, de la joie et du ludique.

Quel est le message fondamental que tu voudrais transmettre aux jeunes d’aujourd’hui ?

Deux messages contradictoires : qu’ils vivent leur jeunesse intensément, sans tabou ni filtre, mais aussi qu’ils se prennent sérieusement en main. Qu’ils décrochent un diplôme dans le domaine qui les intéresse, puis qu’ils bûchent fort là-dedans, épanouis et heureux. C’est ainsi qu’ils bâtiront leur futur et une meilleure société. C’est ainsi qu’ils prépareront une belle retraite, riche et bien méritée !

Paru dans La fureur de lire,

29 mars 2025

Autres articles dans les médias

Découvrez Jouvenceflore, l’œuvre théâtrale

et poétique de Bernard Anton
 

Avec son nouvel ouvrage Jouvenceflore, Bernard Anton PhD invite ses lecteurs dans une aventure à la fois onirique et philosophique, explorant les désirs profonds et contradictoires de l’humanité. Ce conte original, de dimension universelle, porte sur la quête de la jeunesse éternelle et les paradoxes de la vie. Véritable ode à la nature et à l’harmonie intérieure, cette pièce de théâtre captivante, et unique en son genre, s’inscrit dans la longue tradition des œuvres littéraires qui interrogent les grandes aspirations humaines.

Une quête fascinante au cœur de la forêt

Dans Jouvenceflore, deux personnages que tout semble opposer se rencontrent dans une forêt mystérieuse : Tom1, un soixantenaire idéaliste et attaché aux valeurs, et Tom2, un trentenaire matérialiste et ambitieux. Ensemble, ils se lancent à la recherche de la Jouvenceflore, une fleur légendaire qui aurait le pouvoir de rajeunir. Mais cette quête va bien au-delà d’une simple recherche d’immortalité : elle révèle les contradictions et les fragilités humaines.

Dans une écriture à la fois poétique et ludique, Bernard Anton crée une véritable symphonie de dialogues où la tension dramatique côtoie la douceur des réflexions philosophiques. Les personnages, tour à tour miroirs l’un de l’autre, s’affrontent, s’entraident et se confrontent à leurs propres limites.

Une œuvre riche en symboles

Jouvenceflore est bien plus qu’une pièce de théâtre : c’est un conte fabuleux qui interroge nos relations à la jeunesse, au temps, à la nature et à nous-mêmes. La pièce aborde de grands thèmes universels : le désir d’immortalité, le rêve versus la réalité, le conflit entre les générations, l’environnement qui de partenaire devient adversaire.

À travers la recherche de la fleur magique, Bernard Anton illustre l’obsession humaine de défier le passage du temps. Cette aspiration, pourtant illusoire, conduit à des dilemmes moraux et existentiels.

Tom1 et Tom2 incarnent deux facettes de la condition humaine : le rêve idéaliste et la soif matérialiste. Leurs échanges révèlent la difficulté de concilier ces desseins opposés.

Un univers poétique et accessible

Grâce à une écriture volontairement simple, mais si profondément symbolique, Jouvenceflore s’adresse à un large public. Les dialogues rythmés et les scènes vivantes plongent le spectateur dans un univers où le quotidien côtoie, sans étonnement, l’absurde et le surnaturel. Chaque tableau nous invite à réfléchir, à rêver et à nous reconnecter à l’essentiel.

Comme dans toute bonne pièce, on assiste, à la fin, à une transformation complète des personnages, y compris de l’attitude de la fleur ! Un règlement de compte assez coûteux s’opère. Quelques-uns payent pour la négligence de la multitude.

L’illustration de couverture, signée Béatrice Favereau, reflète parfaitement l’esprit de l’œuvre en mêlant mystère et poésie.

Un conte intemporel pour tous les âges

Accessible à tous, Jouvenceflore est une pièce où chacun peut trouver un écho à ses propres aspirations, contradictions et rêves. Les dialogues, subtilement construits, permettent d’aborder des sujets complexes avec légèreté, tout en offrant plusieurs niveaux de lecture.

Un auteur engagé et visionnaire

Bernard Anton PhD est un écrivain québécois reconnu pour sa plume prolifique et son engagement dans des causes humanistes et environnementales. Auteur de plus de cinquante ouvrages, il a marqué la littérature québécoise avec des récits imprégnés de sagesse et de poésie. En plus de ses contributions littéraires, il est le créateur du prix « Mur de l’Espoir » pour le haïku et un défenseur actif des droits humains, de la justice sociale et de la protection de la biodiversité.

Avec Jouvenceflore, Bernard Anton continue d’explorer des thèmes essentiels qui résonnent profondément avec les préoccupations contemporaines, tout en rappelant que la nature reste notre plus précieuse alliée. L’auteur a le mérite de nous insinuer, très discrètement, que « la jeunesse n’est pas une période de la vie, elle est un état d’esprit » comme dirait l’autre. Et c’est d’une grande consolation pour ceux, parmi nous, obsédés par la vieillesse et ses conséquences.

À propos de Bernard Anton

Professeur à la retraite, Bernard Anton PhD est aussi un poète, un nouvelliste et un essayiste québécois reconnu pour son implication dans des causes humanistes et environnementales. Ses œuvres, traduites et étudiées dans plusieurs pays, mettent en lumière les liens étroits entre sagesse, poésie et engagement social. Avec Jouvenceflore, il nous rappelle que chaque quête, même illusoire, a le pouvoir de nous transformer profondément.

MH Entertainment,

8 janvier 2025

 

Jouvenceflore, du théâtre thérapie

Avec la nouvelle pièce de Bernard Anton, nous sommes reconnectés à la source, au divin. C’est une pièce de théâtre thérapie où l’onirisme, la réalité et l’animisme se tissent finement, comme dans une tapisserie d’Aubusson.

L’argent, le pouvoir, la persuasion et la corruption se trouvent délestés de leurs atouts. La fleur de jouvence réparatrice de tous nos maux, collagène moderne, se retire en douce d’une situation plus qu’inconfortable.

Entre deux états d’être, au fond, rien n’est jamais réglé. On finit toujours avec sa gueule. Le mieux est d’en rire.

Il y a un lien entre le vieux qui souffre de jeunisme, qui dépense une fortune en produits rajeunissants et les jeunes qui, eux, dépensent une fortune pour le ici et maintenant, tout de suite. C’est le rapport au temps qui est différent… Les vieux retiennent le temps avec leurs dents. Chez les jeunes, il y a une accélération du temps, ils sont prêts pour Mars…

Un autre aspect en ressort : le rapport au vide. Le vieux mise sur son apparence pour combler le vide intérieur. Il a peur de se confronter à son intériorité pourtant source d’inspiration. Quant au jeune, il comble son vide intérieur par la surconsommation. Ce sont les mêmes parcours. Le regard intérieur est source d’angoisse existentielle.

Superbe pièce, bien équilibrée, subtile. L’auteur exorcise la peur d’avancer en âge.

Annick Pagès Moreau,

auteure de « Deux diables au paradis »

(À quand l’apocalypse, Théâtre d’Aujourd’hui).

paru dans Les livres et les copains d’abord,

27 janvier 2025

 

Jouvenceflore : jusqu’où irait-on pour

recouvrer la jeunesse ?
 

Jouvenceflore est une œuvre dramatique en trois actes, signée Bernard Anton. Cette pièce pleine de fantaisie et de suspense nous présente un univers sylvestre aux accents surnaturels. S’y déroule la quête de Tom 1, sexagénaire qui, d’année en année, voit sa vitalité décliner, son corps assailli par les aléas du vieillissement. De tout cœur, Tom 1 rêve de retrouver énergie et jeunesse, afin de recommencer à vivre pleinement.

Poursuivant ce but, il part à la recherche de la Jouvenceflore, une étonnante fleur pouvant accorder la jeunesse éternelle à qui la consomme. Mais il doit faire vite : cette plante très rare n’apparaît qu’une fois tous les dix ans dans une réserve naturelle, et ne vit que durant 7 jours... qui déjà tirent à leur fin.

Sa recherche de ce joyau floral lui fait rencontrer son alter ego : Tom 2, environ 30 ans plus jeune, gardien dans un parc national où apparaîtrait – quoique rarement – cette fleur enchantée, si convoitée. Avec empressement, Tom 1 le pousse à accepter de le guider vers cette énigmatique Jouvenceflore, dont les propriétés exceptionnelles peuvent lui faire recouvrer sa vitalité d’antan.

Mais, si Tom 2 croit pouvoir l’orienter dans sa quête, laissera-t-il Tom 1 s’emparer de cette fleur, dont le métier lui commande d’assurer la protection ? La vie d’un homme, si désireux soit-il de vivre, est-elle plus importante que la sauvegarde d’une espèce florale menacée d’extinction ?

À défaut de pouvoir consommer cette fleur ou s’abreuver du puissant nectar qu’elle sécrète, à quelle autre forme de sorcellerie serait prêt à se livrer un homme d’âge mûr pour qui le vœu le plus cher reste d’accéder à la jeunesse éternelle ? Tom 1 serait-il prêt à céder une large part de sa fortune, en échange de quelques décennies de jeunesse empruntées à un donateur consentant… moyennant le recours aux rites occultes nécessaires ?

Cette œuvre, écrite dans un style vivant et accessible, laisse place à l’humour, au merveilleux et à de beaux moments de drame et d’émotion. Les questionnements et aspirations soulevés dans cette pièce revêtent aussi un caractère très actuel, vu le vieillissement général de la population active que connaît notre société.

Assurément, cette pièce, qui s’avère d’une enviable qualité, présentée en lecture publique le 30 avril prochain, à 19h30 au Théâtre Ste-Catherine, nous réserve un bien agréable moment de théâtre. Un rendez-vous à ne pas manquer !

Martin Mercier, PhD

Fondateur du Centre de création scénique

paru dans Livres du Québec, le 28 mars 2025

 

Préface du livre

Jouvenceflore : un conte initiatique

au cœur des cycles de la vie

Avec Jouvenceflore, Bernard Anton nous offre une œuvre singulière, à la croisée du conte et de la pièce de théâtre. Légère dans sa forme, profonde dans ses questionnements, cette création explore les grandes aspirations humaines : la jeunesse éternelle, la quête de l’immortalité, et l’insatiable satisfaction des désirs. Une réflexion à plusieurs voix, portée par des personnages-miroirs, où l’homme dialogue avec ses contradictions.

Un face-à-face symbolique et universel

Au cœur de l’œuvre, deux protagonistes : Tom1, le vieil idéaliste, et Tom2, le jeune matérialiste. À travers leur dynamique de contrastes et de résonances, Jouvenceflore esquisse une danse philosophique. 

L’écriture délibérément naïve de Bernard Anton crée une atmosphère ludique et onirique, tout en laissant place à des sous-textes riches et subtils. 

La nature, omniprésente, est un personnage à part entière, un juge silencieux, essentiel, témoin de nos aspirations parfois destructrices.

Trois grands thèmes tissés dans un récit initiatique

La force de Jouvenceflore réside dans son exploration de thèmes universels abordés avec poésie et légèreté :

La quête de l’immortalité : la recherche de la « Jouvenceflore » met en lumière l’obsession humaine à vouloir défier le temps, au mépris de l’harmonie avec la nature.

Les désirs contradictoires : les échanges de rôles entre Tom1 et Tom2 révèlent les limites des aspirations individuelles. Une insatisfaction sourde habite chacun, jeune ou vieux.

Le rapport à la nature : subtilement critique, la pièce interroge notre exploitation effrénée des ressources naturelles, observant la fracture essentielle entre l’homme et son environnement.

Une œuvre ludique et réflexive

Jouvenceflore offre une immersion accessible, mais complexe. Sa tonalité légère, ses dialogues rythmés et ses scènes vivantes font émerger un terrain fertile pour l’imaginaire des spectateurs de tout âge. Cette pièce s’adresse à tous, chacun y trouvant un écho à ses propres désirs et responsabilités.

Les dialogues, soigneusement montés, invitent à une mise en scène immersive où la tension dramatique se combine à des flashs de poésie et d’émotion. 

Chaque échange devient un miroir de nos fragilités, de nos forces, et nous renvoie à la puissance de nos propres quêtes.

Une invitation à méditer sur nos aspirations

Jouvenceflore est une réflexion sur la condition humaine. Elle interroge notre obsession pour l’éphémère, nos rêves de maîtrise absolue et notre difficulté à accepter nos limites. 

Avec ses accents poétiques et philosophiques, elle suscite chez le spectateur une stimulation interrogative : celle d’imaginer sa propre quête de jouvence ou encore, d’autres quêtes compensatoires.

Lionel Parrini,

dramaturge

Jouvenceflore : Fiche technique

Le titre : Jouvenceflore est un mot inventé par l’auteur. Ça veut dire « fleur de jeunesse ». Ce titre fait référence au personnage principal, au contexte poétique/naturel/surnaturel/sauvage, au thème principal qui est la jeunesse, et au genre de la pièce qui s’apparente au conte. Avec ce titre, on est situés d’emblée dans un environnement féérique.

L’intrigue : Est-il possible de retrouver une 2ème jeunesse ? Si oui, à quel prix ? Comment s’y prendre ? Tom1 trouve en Tom2 un bon complice. Auront-ils d’autres adversaires ? Atteindront-ils leur objectif ?

Les 3 personnages + 1 (multidimensionnels) :

- Tom1 est retraité (presque). Il se sent vieux. C’est un professeur, écrivain, père, poète, humaniste, charitable, hédoniste, ambitieux, courageux, fonceur, déterminé. Il désire ardemment rajeunir pour vivre plus longtemps et en santé.

Tom2 est jeune. Il est professeur, écrivain, père, gardien forestier à temps partiel, ambitieux, malin, avide, astucieux, impulsif, endetté, matérialiste, méfiant. Il cherche la sécurité financière.

- Jouvenceflore représente dame Nature dans tous ses éléments (arbres, abeille, source, crocodile, oiseau, poulet…). Cette fleur est aimable, bienveillante, bien intentionnée, amoureuse presque de Tom1 à cause de sa bonté. Elle pourrait être une rédemptrice efficace. Elle a un pouvoir de vie et de mort sur les deux protagonistes. Elle révèle son identité et sa mission à la toute fin : aider l’humanité (ingrate) et la combler de cadeaux, cependant, faut être réceptif à son message d’amour.

- Le Temps, personnage invisible sur scène, mais omniprésent, qui intervient et agit implacablement.

L’antagoniste : Le Temps qui fait des ravages et détruit tout. C’est un adversaire de taille.

L’époque est contemporaine. Ça se passe aujourd’hui, dans l’ici et le maintenant.

Durée de l’action : Les 10 dernières heures de la vie des protagonistes.

Le lieu : Une réserve naturelle protégée, presque « sacrée », propice au ressourcement.

Le contexte : Une forêt enchantée où les éléments de la Nature parlent et interviennent très naturellement. Là, tout est possible.

La question dramatique : Les 2 alter ego qui se rencontrent, vont-ils s’entendre et travailler main dans la main pour réaliser leurs désirs ?

Le genre : Un conte théâtral, ludique, poétique, philosophique, existentiel, fictionnel, réel, avec une touche d’humour et de fantaisie.

Les thèmes : Le vieillissement, la jeunesse, le Temps, l’amour de la Vie, la richesse, la résilience, la combativité créative, l'insatisfaction, l’ingéniosité, le désir d'aller toujours plus loin. (Des contradictions : Vie/mort, réussite/échec, bonheur/malheur, concret/abstrait, humour/sérieux, rivalité/alliance, trahison/complicité…)

L’action : Un protagoniste cherche la fleur qui fait rajeunir. La trouvera-t-il ? Aura-t-il un bon complice ? Sinon, y a-t-il une alternative ? La fleur, répondra-t-elle à l’appel ? Qu’est-ce qui pourrait interrompre cette aventure ?

Éléments déclencheurs :

- La rencontre de Tom1 avec Tom2 va déclencher, renforcer et accélérer la quête qui évolue alors d’une façon surprenante, inattendue (Tableau I).

- Le rituel de rajeunissement va transformer totalement les protagonistes (Tableau II). Mais il y aura d’autres péripéties.

La quête (triple) :

- Tom1 veut trouver le moyen de rajeunir et d’inverser le cours du Temps, car il se sent vieillir et a beaucoup de projets à réaliser.

- Tom2 veut s’enrichir, payer ses dettes et s’embourgeoiser.

- Jouvenceflore veut aider, faire du bien, offrir gracieusement, à qui s’en montre digne, ses multiples et inestimables grâces, qu’il faut toutefois savoir apprécier.

Objectif conscient (multiple) :

  • Vivre en santé et plus longtemps (Tom1).
  • Se débarrasser de la tyrannie du Temps (Tom1).
  • S’enrichir (Tom2).
  • Aider l’humanité (Jouvenceflore).

Objectif inconscient :

  • Peur bleue de la mort (Tom1)
  • Désir de vivre à l’aise matériellement (Tom2).
  • Appel à vivre unis à la Nature.
  • Réaliser la mission caritative intrinsèque à sa nature (Jouvenceflore).

Ambiance :

  • Atmosphère féérique, mystérieuse, ludique.
  • Fraîcheur, innocence, naïveté, délicatesse, courtoisie, plaisir de vivre.
  • Connexion très forte à la Nature.
  • Apparence irrationnelle, malgré l’extrême rationalité et sérieux du propos.

L’enjeu (quadruple) :

  • La santé et la longévité de Tom1.
  • Le confort financier de Tom2.
  • La survie des protagonistes (Tableau III).
  • La mission humanitaire de Jouvenceflore (à réussir).

Ironie/méprise (multiple) :

  • Tom1 découvre qu’il parle à un gardien forestier.
  • Tom1 croit vivre une 2e jeunesse à la fin, mais cela ne dure que quelques heures.
  • Tom2 meurt, au fond, pour des pacotilles. Il croit vivre déjà dans l’opulence, mais cela ne dure que quelques heures.
  • Les protagonistes se laissent illusionner par ce faux bonheur et filent vers leur auto-destruction.
  • Ils se méprennent, pensent avoir trouvé leur « soi-même », mais ils le perdront.
  • Ils attirent les coyotes qui les mangeront.
  • Ils voulaient fuir « les morsures du Temps », ce dernier les rattrape.

Climax (multiple) :

  • Tom1 obtient la jeunesse.
  • Tom2 obtient la richesse.
  • Ils sont mordus par le serpent qui représente le Temps.
  • La révélation de l’origine et de l’identité de Jouvenceflore.

Message subtil (multiple) :

  • La poursuite implacable d’un désir fou peut mener à sa perte.
  • Rien n’est stable, sauf la Nature.
  • Tout se transforme, apparaît, disparaît, même l’humanité.
  • Oser vivre pleinement.
  • Faut être fidèle à soi et à ses aspirations pour ne pas regretter sa vie.
  • Il y a un prix à payer pour nos choix et nos actions.
  • Notre vie est fragile face à la permanence du Temps.
  • Notre monde s’effondre si on ne respecte pas la Nature.

Théâtre plastique : Chercher toujours l’émotion esthétique, la beauté des formulations bien orchestrées. Chaque phrase porte sa propre charge émotionnelle. Le mystère, le suspense, les surprises sont constants.

B.A.

5 avril 2025

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