Quelques critiques 2

(suite)

Textos ardents… l'amour sous emprise maléfique, théâtre de Bernard Anton

« Les amoureux sont seuls au monde », dit-on… mais pas dans cette nouvelle pièce de Bernard Anton, où le dieu grec de la mort, Thanatos, suit d’un peu trop près le moindre développement d’une enivrante relation…

Lucia, professeure d’espagnol de passage pour quelques mois à l’étranger, fait la connaissance de Norbert, un poète et traducteur. Les deux collaborateurs tombent vite éperdument amoureux. De textos romantiques en textos toujours plus audacieux, ils se rapprochent, à mesure que la fièvre du désir grimpe en eux. Jusqu’à déclencher une passion intime qui soudera leurs corps l’un à l’autre dans une exploration sensuelle et amoureuse sans précédent. Sur tous les plans : émotionnel, sexuel, spirituel, cet amour les unit, les nourrit, les transporte et les comble.

Maître du destin final de toute vie et cause inévitable de trépas, Thanatos se sent remis en question par la puissance d’un tel sentiment amoureux. Même s’il a, d’un claquement de doigts, le pouvoir de mettre instantanément fin à leur existence, un doute se glisse dans son esprit. Et si un tel amour devait permettre à ces deux âmes de lui échapper ? Une passion pure, respectueuse et sincère, comme la leur, permettrait-elle de transcender toute contrainte, voire, de les faire accéder à une forme d’immortalité spirituelle ? La chose serait une véritable insulte pour ce dieu antique. Lui qui s’est toujours cru, jusqu’ici, tout-puissant ; apte qu’il est à emprisonner les âmes dans son infernal royaume, duquel aucune ne s’est jamais vraiment échappée.

Les laissant vivre pour le moment, Thanatos sollicite sortilèges et malédictions, se met à faire pleuvoir problèmes et défis, toujours plus intenses, sur ces amants épanouis et heureux. Constamment, il met à l’épreuve la force et la durabilité du lien qui les unit. Pourtant, en dépit des tourments que ses machinations causent sans répit, la résilience du couple tient en échec, à sa grande surprise, les maléfices dont il les accable tour à tour. Mais Thanatos n’a pas dit son dernier mot, et entend bien multiplier ses stratégies, recourir à tout son puissant arsenal surnaturel, s’il le faut, pour anéantir ce couple qui, sans le vouloir, le tourne en dérision…

La passion sincère qui unit Norbert et Lucia leur permettra-t-elle de déjouer les redoutables et fatidiques manœuvres de Thanatos ? Leur santé, leur amour, leur joie de vivre survivront-ils, face à tant de malédictions successives ? Les amants parviendront-ils à transcender la mort, ou la faucheuse aura-t-elle, comme depuis toujours, le dernier mot ?

D’une appréciable richesse poétique, Textos ardents est un drame aux dialogues émouvants et bien tournés, à l’action pleine de tendresse et se sensualité. L’intrigue regorge de suspense et de rebondissements inattendus. De scène en scène, l’éternel combat de l’amour et de la mort se perpétue, et saura vous tenir en haleine, du début à la fin !

 

Martin Mercier, PhD

Fondateur du Centre de création scénique

paru dans Lire, Rêver et Partager, 22 avril 2025

Jouvenceflore de Bernard Anton : cadeau de grâce pour l'âme

« Quel cadeau de grâce pour l'âme ne nous as-tu pas offert ! MERCI !!! Le regard que tu poses sur le monde, la société, la Nature... m'a beaucoup étonnée.

Aucune pitié pour l'humanité dévastatrice. Tu donnes une parole aiguisée et tranchée à la Nature. Ta présence lucide, face au monde arrogant et irrespectueux, s'inscrit aujourd'hui, presque trop tard, tel le cri d'alarme que peu d'entre nous ne veulent reconnaître comme réel. 

Si les effets bénéfiques de cette magnifique pièce résonnent encore, le travail magistral des interprètes y est assurément pour beaucoup. Quelle belle lecture-inspirante ! Ils ont réussi à transcender le texte, sont entrés dans l'espace du jeu en nous prenant par la main. 

Merci encore ! »

Marie Pelletier, compositeure

paru dans Livres du Québec, le 2 mai 2025

Franchir le voile, à quel prix ?

Entretien avec Ma Premo après avoir vu Jouvenceflore de Bernard Anton

Ma Premo (MP) : Cette pièce de théâtre est superbe, magnifique. J’aime bien le parallèle et la complémentarité entre les 2 Tom. Leur rencontre n’est pas fortuite. Elle est écrite dans les étoiles. Leur rendez-vous est planifié pour la floraison de Jouvenceflore. De plus, la langue si poétique de l’auteur, c’est du génie…

Bernard Anton (BA) : Leur histoire évolue vite et devient tragique !

MP : Les 2 Tom n’échappent pas à leur destin. Même s’ils décident ou pensent qu’ils décident de leur sort en optant pour la jeunesse ou pour la richesse, ils ne décident pas.

BA : Mais c’est fataliste !

MP : Impossible de faire autrement que d’embrasser sa destinée avec les vagues qui donnent le vague à l’âme. Les êtres humains ne sont pas maîtres de leur avenir.

BA : Ils ne peuvent pas choisir ?

MP : Ils choisissent, mais ce n’est pas dit que ça va être ça. Ils peuvent rêver de rajeunir. C’est important de rêver… Il y a une force intérieure qui nous maintient jeunes. La jeunesse, c’est la capacité d’émerveillement. C’est l’amour, le rire. Cela garde jeune ! Ils peuvent fabuler, tant qu’ils le souhaitent… Ce serait trop facile si ça se passait comme ça !

BA : Et pourquoi pas ? N’est-ce pas une vision pessimiste ?

MP : Ils perdent leur vie à inventer et à réinventer la vie, alors qu’il faut la vivre. Il faut juste apprendre à vivre sa vie, comme à vivre sa mort. Tu embrasses la vie et tu embrasses la mort qui est inévitable. Ce n’est pas plus compliqué que ça.

BA : Que trouves-tu d’important dans cette pièce ?

MP : Ce qui est important, c’est de partager ses aspirations, ses rêves, ses désirs. Ils se débattent avec leurs croyances et leurs vœux. Ils se débattent contre le vieillissement, les dettes et la mort. Il faut apprendre à lâcher prise. De toute façon, ils ne peuvent pas lutter contre la mort. Ils ne peuvent que l’embrasser. De même pour le vieillissement.

BA : Crois-tu dans le miracle de rajeunir ?

MP : Ils rajeunissent, oui. Mais ils meurent après. Le miracle, qui correspond à leur souhait le plus cher, ne dure pas longtemps. Le plus grand miracle, c’est le miracle de vivre ! Leur instinct de survie les fait crier, hurler, appeler au secours… Une force intérieure formidable les incite à tout faire pour éviter l’abîme.

BA : La Nature nous guérit !

MP : La Nature peut, certes, nous insuffler son énergie de vie et arrêter le processus de mort. Le serpent, symbole de guérison, vient justement les guérir de leur illusion. C’est la réalité ! La révélation de la vraie identité de la fleur éveille leur conscience. L’expérience de l’illumination est alors tellement puissante. Ils meurent, mais les portes s’ouvrent pour eux. Ils franchissent le voile. Léo Ferré chante : « La mort est la sœur de l’amour. C’est la beauté, c’est l’éclair vif... »

BA : Et la fin ?

MP : La fin est très belle. La Nature reprend ses droits, libérée de ses prédateurs. Tout se remet à piailler, librement, « sans entraves ».

paru dans La fureur de lire

17 mai 2025